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Biographie de Raoul Nordling

La biographie se base sur l'allocution de Monsieur Eric Fiévet le 8 mai 2009 au Cimetière de Cepoy

Vice-consul de Suède en 1905, Consul en 1917 et Consul Général en 1926.Croix de Guerre avec palme en 1949,
Grand Croix de la Légion d’Honneur en 1958,
Citoyen d’Honneur de la Ville de Paris en 1958 et Médaille d’Or de la Ville de Paris. Il n’y eut depuis le début du XXè siècle jusqu’en 1958, que sept personnalités à recevoir cet hommage, dont le président Wilson et Winston Churchill.
N’oublions pas d’indiquer que Raoul Nordling fut, après la guerre, président du Cercle Suédois à Paris et que ce Cercle a, à plusieurs reprises, célébré sa mémoire, comme le fait aussi, chaque année, le Conseil Municipal de Cepoy.

Sa famille
Le père de Raoul, Gustaf Nordling, fils de pasteur Luthérien était originaire de Stigsjö, petite ville de la cote est, au nord de la Suède. Gustaf Nordling fut nommé Vice-Consul de Suède à Paris dans les années 1870. Il n’a pas tardé à s’attacher à une jeune française, auvergnate et protestante, qu’il épouse le cinq Août 1878. Gustaf Nordling et Jeanne Scapre auront sept enfants.
Gustaf Nordling vint très tôt en villégiature à Cepoy, dès les années 1880; il y faisait de longs séjours, et y avait acheté une propriété dès 1901.
Gustaf restera dans la famille comme le consul suédois, protestant, qui avait participé à la restauration de l’église de Cepoy et parlait latin avec monsieur le curé.
Gustaf Nordling mourut en 1916.

Raoul Nordling est né à Paris le 11 Novembre 1882.
Il fit toutes ses études au lycée Janson-de-Sailly où il acquit une profonde connaissance de la culture française. Très jeune, Raoul accompagnait ses parents à Cepoy. Il y a même fréquenté l’école communale, rue des Epinettes, comme le feront plus tard ses deux sœurs Renée et Alice.
Jeune diplomate, Raoul Nordling s’était installé à la butte Montmartre où il fréquentait les milieux d’artistes et parmi eux, Suzanne Valadon et Utrillo…
Il prit progressivement la tête des affaires créées par son père. Plus tard, il sera au conseil d’administration d’Alfa-Laval, SKF et AGA. Remarquable homme d’affaires, il n’est pas étonnant qu’il fût aussi un fin diplomate.
Lorsqu’en Août 1914, Alice Fiévet, sa jeune sœur, perdit son mari, tué à la tête de sa batterie, alors qu’elle-même venait d’accoucher de son troisième enfant, il l’installera à Cepoy et pourvoira à l’éducation de ses neveux et nièces. Il fit de même avec son autre sœur, Renée. Il avait donc un sens aigu de la famille : profondément dévoué à ses proches, à ses amis, il aimait leur rendre service.
Raoul Nordling épouse à Paris, le 20 juillet 1927, Suzanne Turtache, dite Roche. Ils n’auront pas d’enfants.

Edouard Fiévet brosse ainsi le portrait de son oncle : « C'était un homme qui aimait prendre des responsabilités. Il alliait - ce qui est rarement le cas – la diplomatie à l'action et excellait dans ce domaine ».

Les mémoires de Raoul Nordling, rédigées très tôt après la guerre, disparues puis retrouvées en 1995 ont été publiées en 2002. Une anecdote de ses mémoires explique l’engagement humanitaire de Raoul Nordling : Nous sommes en septembre 1914, à la veille de la bataille de la Marne. Le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, convoqua les consuls des pays neutres et leur demanda d’assumer la protection de Paris, de ses monuments historiques et de veiller à ce que l'occupation de la ville se passe de façon décente et humaine.
C’est très probablement de ce moment-là que Raoul Nordling s’est, en plusieurs occasions pendant la première et la seconde guerre mondiale, fixé comme priorité de sauver des vies humaines et, en août 1944 de tout faire pour éviter la destruction des ponts et des monuments qui font la fierté de Paris.

Les chapitres de l’Histoire…. qui le rendront célèbre
On ne peut donc rendre hommage à Raoul Nordling sans évoquer son action en Août 1944. Doyen du corps diplomatique, il est le seul avec René Naville, Consul de Suisse, tout deux représentants de pays neutres, à être en contact avec les deux camps ou plutôt les trois camps : Les Allemands, le gouvernement de Vichy et les représentants du général de Gaulle.
Nous retiendrons trois événements auxquels il a participé, soit comme acteur principal, soit comme intermédiaire imposé par les circonstances : la libération de prisonniers français, la trêve et la capitulation du général von Choltitz.
Mais avant d’évoquer très rapidement ces trois événements, voyons qui était le général von Choltitz dont le comportement reste encore à ce jour, et malgré ses mémoires, un mystère.

Dietrich von Choltitz
Dietrich von Choltitz est né en Silésie, en 1894. Au cours de la seconde guerre mondiale, il participe aux campagnes de Pologne, Hollande, Belgique et Russie et dirige le siège de Sébastopol. En juin et Juillet 1944, il est chef du 84° corps d'armée en Normandie. Lors de la bataille du même nom, ce 84° corps disparaît littéralement dans un « bain de sang monstrueux », ce sont les propres mots de von Choltitz. Après cela, ce dernier n’a donc plus aucun doute sur le sort des armées allemandes et l’issue de la guerre.
Dietrich von Choltitz est, le 7 août 1944, nommé gouverneur militaire de Paris. Hitler le reçoit, lui tient des propos « hallucinants » et lui ordonne de détruire Paris en cas de retrait de la Wehrmacht. « Je me suis rendu compte que j’avais devant moi un fou » écrira-t-il à l’un de ses amis en 1947.
Il était donc profondément marqué par les défaites de l’armée allemande en Normandie et par sa rencontre avec Hitler.
Toute l’intelligence de Raoul Nordling est d’avoir compris qui était ce général von Choltitz et quel était son état d’esprit...
La Libération de prisonniers français
Persuadé qu’à la retraite de l’armée allemande, celle-ci exécuterait les prisonniers politiques encore détenus, Raoul Nordling, guidé par sa conscience, sans mandat, se dit: « Je dois agir ». Entre le 10 et le 19 août 1944, Raoul Nordling a ainsi de multiples discussions, directes ou par téléphone avec l’Ambassadeur Otto Abetz, le chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval, le cardinal Suard, le général von Choltitz, qui finalement accepte que Raoul Nordling, assisté de la Croix Rouge Française prenne « la responsabilité » des prisonniers politiques détenus dans les prisons, les hôpitaux, les camps de la région parisienne et les trains en partance pour l’Allemagne.
Dès lors c’est la tournée épuisante des prisons et des camps, à Fresnes, Romainville, Compiègne, Drancy, avec des succès ou des échecs… Mais en fin de compte, Raoul Nordling aura pu faire libérer plus de 3200 prisonniers qui risquaient d’être déportés ou massacrés.

La trêve
Le samedi 19 Août, l’insurrection est déclenchée. Mais à cette date, les effectifs, pauvrement armés de la résistance, sont de quelques milliers de combattants, alors que le général von Choltitz peut compter sur des chars, de l’artillerie et de l’aviation.
Raoul Nordling avait bien compris qu’il fallait donc éviter que les affrontements entre l’insurrection et les Allemands ne prennent trop d’ampleur si l’on voulait que le général von Choltitz n’exécute pas l’ordre formel de détruire Paris, ordre dont Raoul Nordling avait connaissance. Par ailleurs, il fallait gagner du temps pour que les armées alliées puissent atteindre Paris. Il était en effet évident, aux yeux de Raoul Nordling, que von Choltitz ne se rendrait qu’à des troupes régulières.
Le 19 Août, la Préfecture de Police est occupée. Le général von Choltitz fait part à Raoul Nordling de son intention de la détruire.
« Si vous détruisez la Préfecture de police, répond M. Nordling, vous détruirez en même temps Notre-Dame et la Sainte-Chapelle... Et pourquoi ? Vous avez affaire à une histoire purement française... C'est de la politique intérieure... Il y a Vichy et il y a la Résistance qui prend sa place... »
Ce fut le point de départ de la négociation de cette trêve qui divisera fortement la Résistance et fut plus ou moins bien respectée sur le terrain, mais qui permit au général von Choltitz de différer encore la destruction de Paris et de laisser les armées alliées s’en approcher.

La capitulation allemande
Le 25 Août au matin, Raoul Nordling reçoit un coup de téléphone du quartier général de Leclerc. Le Colonel Billotte, dont le groupement blindé a pénétré dans Paris, jusqu’à la Cité, fait porter l’ultimatum qu’il a rédigé à Raoul Nordling. Raoul Nordling entreprit de transmettre cet ultimatum à von Choltitz qui de son côté, lui fit savoir qu’il était prêt à déposer les armes à l'instant même où des troupes françaises pénétreraient dans l'hôtel Meurice, information qui fut transmise au colonel Billotte. Une demi-heure plus tard, les Français pénétraient dans l’hôtel.

Conclusion
Raoul Nordling, lui-même, estimait son dévouement comme allant de soi. Sa seule fierté a toujours été d’associer son pays à ses réussites et au bien qu’il pensait avoir fait.
C’était aussi un homme très modeste. Je citerai l’appréciation qu’il portait lui-même sur son rôle fin Août 1944 : « Paris était libre, mais j'avais le sentiment que ma tâche n'était pas finie en pensant à tous les patriotes français qui mouraient dans les camps allemands. Nous ne voulons en rien amenuiser le mérite des héros qui délivrèrent leur patrie : nous n'avons été auprès d'eux qu'un instrument auxiliaire ».

Raoul Nordling a demandé à être enterré, comme son père, à Cepoy, ce qui ancre définitivement ce « Citoyen d’Honneur de la Ville de Paris » comme Cepoyen, et ce, pour l’éternité.

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