Skip to main content

Raoul Nordling, le consul de Suède grâce à qui Paris n'a pas brûlé

Raoul Nordling, le consul de Suède grâce à qui Paris n'a pas brûlé

Stockholm de notre correspondant

Alors qu'une grande confusion mêlée de joie intense gagnait Paris en ces journées d'août 1944, un discret ballet diplomatique avait lieu pour tenter de sauver la capitale française d'une destruction voulue par Hitler. Pour y parvenir, Raoul Nordling, consul général de Suède à Paris, n'avait pas ménagé sa peine. Entre la Résistance, le commandement allemand du Gross Paris et ses supplétifs français, ce diplomate scandinave faisait la navette. Non sans résultat, puisqu'une trêve était conclue le 20 août, vite rompue ici et là.

La contribution du Suédois à ces événements, avec les zones d'ombre et les ambiguïtés qu'elle comporte, demeure méconnue du grand public français, même si Orson Welles incarna son personnage dans Paris brûle-t-il ? En Suède, son nom n'évoque rien aux jeunes générations. Ce n'est que cette année qu'elles pourront découvrir le manuscrit qu'il a rédigé dès 1945, avec l'aide d'un ami journaliste suédois, pour relater son rôle dans cette période. En effet, ce document n'a pas été publié du vivant du diplomate, "pour des raisons politiques", selon sa petite-nièce, Aude Guignard. Il n'a été retrouvé par sa famille que dans les années 1990 et édité, dans sa version française, en 2002. (Sauver Paris. Mémoires du consul de Suède (1905-1944), présenté par Fabrice Virgili, éd. Complexe.)

LA FRANCE, "MA SECONDE PATRIE"

En 1944, le consul général intervient sans mandat de son gouvernement, officiellement neutre dans le conflit. Il se présente alors comme "un citoyen de Paris". Il jouit néanmoins d'une certaine latitude de par la position de son pays. En outre, il entretient des contacts, noués dans le cadre de ses affaires, avec de hauts responsables allemands : il est l'un des dirigeants de la filiale française de SKF, le fabricant suédois de roulements à billes qui alimente la machine de guerre nazie. Cette double casquette lui sera reprochée après la guerre, en particulier par le Parti communiste français.

Fort de son carnet d'adresses et de l'aide - rémunérée ? - de personnages interlopes, ce Scandinave, né à Paris en 1881 et ayant résidé la majeure partie de sa vie en France ("ma seconde patrie"), parvient à s'imposer comme intermédiaire privilégié entre le Conseil national de la Résistance et le général von Choltitz, commandant du Grand Paris. Avec eux, il négocie avec succès l'accès des Parisiens affamés à des dépôts de vivres allemands. Puis une trêve destinée, selon ses écrits, à "gagner le plus de temps possible, afin que les troupes françaises et alliées pussent s'approcher des portes de la ville". Ces efforts se heurtent notamment à la volonté des partisans du général de Gaulle d'en découdre avec les Allemands, et des communistes de déclencher une insurrection à Paris.

Toutefois, à en croire ses Mémoires, l'objectif premier de Raoul Nordling était ailleurs : il avait négocié et obtenu la libération de plusieurs milliers de prisonniers politiques français, promis à la déportation vers l'Allemagne.

Antoine Jacob
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 25.08.04

  • Vues : 3038